Les loustics partent en guerre pour défendre leur superradio
Posté : ven. 29 juin 2012 14:52
100000 signatures sont arrivées au siège parisien de la radio FM des moins de 15 ans dont la société gestionnaire vient d’être mise en liquidation judiciaire. Arguments des jeunes plaignants.
« Je ne veux pas que Superloustic meurt. Si elle meurt, je pleure. » L’écriture enfantine suit les lignes de la feuille d’écolier. Christophe a joint une pétition qui commence par « moi, je connais un ministre qui s’appelle Jack Land, je veux lui dire de ne pas areter ». Signée tout simplement « je, Christophe J. », puis par tous ses copains.
Superloustic, la radio FM des « moins de 15 ans », qui dispose de 32 fréquences sur toute la France, joue aujourd’hui sa peau. La société gestionnaire a été mise en liquidation mardi dernier. Depuis l’équipe, fondateurs et salariés réunis, peuple l’antenne de messages coups de poing : « Superloustic, c’est mon droit ! Je ne suis pas contente et je le dis ! » Et les animateurs appellent à la mobilisation générale. Leurs soldats ? Les gosses. « Que tout le monde sorte dans la rue faire signer des pétitions ». Et Gilles Gressier, vice-président de l’ADS (Association de défense de Superloustic), martèle en pleine conférence de presse : « Je vous le demande comme un service, ne parlez pas des quarante emplois en sursis. Ce n’est pas notre combat. Une radio pour les mômes est d’utilité publique. C’est ça que nous voulons défendre. » Dans l’espoir que Superloustic, radio commerciale, rentre dans le giron de l’Etat, grâce à la création d’une société d’économie mixte, à capitaux privés et publics.
Mercredi matin, 100000 signatures, comptées une par une par les animateurs. La table croule sous le courrier, quatre cartons remplis en deux jours. De la feuille arrachée à un cahier, qui a visiblement traîné dans la poche d’un jean, au fax de papa réquisitionné pour l’occasion, les pétitions prennent toutes les formes. Un loustic a fait la tournée des boutiques de la rue de Grenelle, à Paris ; un autre a copié cent fois « je veux que Superloustic vive ». Empreintes de pattes de chiens, de chats ou de cochons d’Inde émaillent les lettres. Certains, opportunistes, en profitent pour demander une photo « d’édicasser ».
La standardiste, elle, rassure les gamins affolés. « Ne t’inquiète pas, la radio continue à émettre. Ecoute, j’ai le poste à côté de moi. » Elle colle sur l’écouteur un transistor.
Florian, 11 ans, est un fidèle depuis un an et demi : « J’arrête pas d’écouter. J’aime tout. Pour que Superloustic continue, j’ai mis des affiches. J’ai marqué qu’il fallait sauver notre radio. Y a des gens qui connaissent pas, alors je leur explique que c’est pour les enfants, que la radio va disparaître parce que les financiers n’en veulent plus. » Il répète l’explication donnée sur l’antenne.
Claire, médecin, habite Le Mans. Ses deux enfants sont de fervents supporters de Superloustic. « Pour le peu que j’en connaisse, elle est de qualité. Je trouve formidable cette possibilité de conseil psychologique, parce que les gamins n’hésitent pas à les appeler quand ils ont des problèmes. Plutôt que ces numéros d’appel verts, enfance battue, etc. C’est une radio de secours et nettement plus futée que les télés. En ce sens, je l’estime d’utilité publique. » En effet, un répondeur des « petits malheurs et grands bonheurs » recueille leurs messages en permanence. « On n’écoute pas les enfants. On a fait une émission sur le racket à la sortie des écoles. Les loustics nous ont appelés : « Je ne sais pas comment faire, je n’ose pas le dire à mes parents. » : on les aiguille, à l’antenne et hors antenne, on les conseille » explique Eric. L’animateur a un cœur d’artichaut. Emu, il raconte l’intervention d’une petite fille. « Nous avons créé pleins de personnages radiophoniques, style bande dessinée, la petite était en direct et elle demandait : " Mais Ernest Gluglu, Doc Panda et les autres, ils vont mourir " ».
La campagne de mobilisation n’oublie pas le monde des adultes. « Nous avons besoin de fonds pour continuer d’émettre, puis pour apporter notre soutien financier au projet d’une radio nationale pour enfants », explique Joël Pons, président de l’association de défense de Superloustic. Des annonceurs, sollicités, ont déjà notifié leur soutien, en échange d’une campagne publicitaire gracieuse.
Si, d’ici la fin juillet, aucune solution n’est trouvée, les animateurs durciront le mouvement. Pas de manifestation mais peut-être la constitution d’une association rassemblant les 9-15 ans. Une première en France, histoire de prouver que les enfants peuvent taper du poing sur la table. Symbole de cette résolution, cette jeune auditrice qui s’exclamait : « La disparition de Superloustic, c’est comme si le pape annonçait que Noël n’existait plus ! »
Stéphanie MAURICE
Libération, édition du jeudi 18 juin 1992
« Je ne veux pas que Superloustic meurt. Si elle meurt, je pleure. » L’écriture enfantine suit les lignes de la feuille d’écolier. Christophe a joint une pétition qui commence par « moi, je connais un ministre qui s’appelle Jack Land, je veux lui dire de ne pas areter ». Signée tout simplement « je, Christophe J. », puis par tous ses copains.
Superloustic, la radio FM des « moins de 15 ans », qui dispose de 32 fréquences sur toute la France, joue aujourd’hui sa peau. La société gestionnaire a été mise en liquidation mardi dernier. Depuis l’équipe, fondateurs et salariés réunis, peuple l’antenne de messages coups de poing : « Superloustic, c’est mon droit ! Je ne suis pas contente et je le dis ! » Et les animateurs appellent à la mobilisation générale. Leurs soldats ? Les gosses. « Que tout le monde sorte dans la rue faire signer des pétitions ». Et Gilles Gressier, vice-président de l’ADS (Association de défense de Superloustic), martèle en pleine conférence de presse : « Je vous le demande comme un service, ne parlez pas des quarante emplois en sursis. Ce n’est pas notre combat. Une radio pour les mômes est d’utilité publique. C’est ça que nous voulons défendre. » Dans l’espoir que Superloustic, radio commerciale, rentre dans le giron de l’Etat, grâce à la création d’une société d’économie mixte, à capitaux privés et publics.
Mercredi matin, 100000 signatures, comptées une par une par les animateurs. La table croule sous le courrier, quatre cartons remplis en deux jours. De la feuille arrachée à un cahier, qui a visiblement traîné dans la poche d’un jean, au fax de papa réquisitionné pour l’occasion, les pétitions prennent toutes les formes. Un loustic a fait la tournée des boutiques de la rue de Grenelle, à Paris ; un autre a copié cent fois « je veux que Superloustic vive ». Empreintes de pattes de chiens, de chats ou de cochons d’Inde émaillent les lettres. Certains, opportunistes, en profitent pour demander une photo « d’édicasser ».
La standardiste, elle, rassure les gamins affolés. « Ne t’inquiète pas, la radio continue à émettre. Ecoute, j’ai le poste à côté de moi. » Elle colle sur l’écouteur un transistor.
Florian, 11 ans, est un fidèle depuis un an et demi : « J’arrête pas d’écouter. J’aime tout. Pour que Superloustic continue, j’ai mis des affiches. J’ai marqué qu’il fallait sauver notre radio. Y a des gens qui connaissent pas, alors je leur explique que c’est pour les enfants, que la radio va disparaître parce que les financiers n’en veulent plus. » Il répète l’explication donnée sur l’antenne.
Claire, médecin, habite Le Mans. Ses deux enfants sont de fervents supporters de Superloustic. « Pour le peu que j’en connaisse, elle est de qualité. Je trouve formidable cette possibilité de conseil psychologique, parce que les gamins n’hésitent pas à les appeler quand ils ont des problèmes. Plutôt que ces numéros d’appel verts, enfance battue, etc. C’est une radio de secours et nettement plus futée que les télés. En ce sens, je l’estime d’utilité publique. » En effet, un répondeur des « petits malheurs et grands bonheurs » recueille leurs messages en permanence. « On n’écoute pas les enfants. On a fait une émission sur le racket à la sortie des écoles. Les loustics nous ont appelés : « Je ne sais pas comment faire, je n’ose pas le dire à mes parents. » : on les aiguille, à l’antenne et hors antenne, on les conseille » explique Eric. L’animateur a un cœur d’artichaut. Emu, il raconte l’intervention d’une petite fille. « Nous avons créé pleins de personnages radiophoniques, style bande dessinée, la petite était en direct et elle demandait : " Mais Ernest Gluglu, Doc Panda et les autres, ils vont mourir " ».
La campagne de mobilisation n’oublie pas le monde des adultes. « Nous avons besoin de fonds pour continuer d’émettre, puis pour apporter notre soutien financier au projet d’une radio nationale pour enfants », explique Joël Pons, président de l’association de défense de Superloustic. Des annonceurs, sollicités, ont déjà notifié leur soutien, en échange d’une campagne publicitaire gracieuse.
Si, d’ici la fin juillet, aucune solution n’est trouvée, les animateurs durciront le mouvement. Pas de manifestation mais peut-être la constitution d’une association rassemblant les 9-15 ans. Une première en France, histoire de prouver que les enfants peuvent taper du poing sur la table. Symbole de cette résolution, cette jeune auditrice qui s’exclamait : « La disparition de Superloustic, c’est comme si le pape annonçait que Noël n’existait plus ! »
Stéphanie MAURICE
Libération, édition du jeudi 18 juin 1992